Amour de soi, une nécessité

 

La femme noire est probablement une des seules femmes sur terre à  laquelle on apprend à admirer les attributs de femmes d’autres couleurs, ethnies, cultures. Les produits pour s’éclaircir la peau font des ravages sanitaires et psychologiques tant nous adulons la peau blanche, sans parler de l’industrie des tissages brésilien, indien ou autres nationalités que nous payons des fortunes pour atteindre un standard de beauté inaccessible. Les codes sont tellement intégrés qu’ils deviennent une seconde nature. Conséquences: à force de vouloir ce qu’ont les autres, nous rejetons ce que nous avons. Une personne qui choisira de ne pas se conformer à ces dictats sera d’emblée perçue comme anormale, exotique.

Je suis une femme africaine et n’aurai jamais pensé que ma décision de retourner au cheveu naturel prendrait racine dans des événements de vie plus profonds qu’une brûlure du cuir chevelu après un défrisage mal réalisé. Je pensais encore moins que les arborer fièrement aurait une dimension revendicative. Clamer haut et fort le droit d’être moi, telle que j’ai été amenée sur terre peut bousculer, irriter, déranger mais je n’y peux rien, je suis ainsi  faite. J’ai appris durement que s’aimer s’apprend, la tâche est d’autant plus complexe que rien autour de nous ne nous dispose à le faire.

Ce billet a pour origine deux scènes qui ce sont déroulées le même weekend. Pour commencer un couple d’amis nous a rendu visite et j’en ai profité pour m’occuper de la magnifique chevelure de leur fille. Cette princesse de 3 ans possède une touffe nuageuse à en faire pâlir les plus grandes bloggeuses du cheveu naturel crépu. Cependant sa mère, comme la majorité des mamans noires que je connais redoute le moment de la coiffer parce que sa fille pleure déjà à la vue du peigne, elle en tremble même. Bien évidemment l’histoire serait peut être simple à gérer si elle ne nous renvoyait pas à notre propre enfance et nos cauchemars capillaires. La mère en est arrivée à considérer l’alternative du défrisage pour la petite tant l’idée de dompter le nuage cotonneux de sa fille lui paraît insurmontable. Évidemment le défrisage m’a alarmé et je me suis mise à discuter avec elle, lui suggérant d’amener la petite se coiffer à la maison afin qu’elle apprenne à coiffer le cheveu naturel.

La deuxième scène s’est jouée à deux jours d’intervalle, lors d’un super weekend entre filles à la campagne. Bien sûr que j’aime la campagne. Le village des blancs n’est pas comme au pays où les conditions sont compliquées hein. Il y a tout dans la maison de mon amie. Bon je dois avouer que j’ai failli décéder d’un manque d’internet mais tout est bien qui fini bien, j’ai pu prendre ma dose en rentrant. Bon, ne nous égarons pas.

Mes amies et moi sommes toutes trois des femmes racisées de couleurs et d’ethnicités différentes. De plus nous avons des rapports très différents à la race. Nous ne parlons que très rarement de nos expériences raciales respectives, c’est une sorte d’accord tacite passé entre nous, même si les choses tendent à changer. Donc ce soir là dans la salle de bain je tressais mes cheveux comme tous les soirs sauf que mes amies étaient présentes. Elles ont manifesté leur curiosité vis à vis de ce qui se déroulait sous leurs yeux et la discussion allait bon train jusqu’à ce que la fille d’une de mes amies demande si les cheveux tombés sur le lavabo étaient les siens.  Cela a créé un fou rire général qui je dois dire m’a mise mal à l’aise parce que je ne comprenais pas pourquoi cette question déclenchait l’hilarité. Quoiqu’il en soit mon amie a dit à sa fille d’environ trois ans: non chérie,  toi, t’es cheveux sont beaux !

Hormis le fait que ce compliment déguisé est carrément insultant et vexant, ce qui m’a le plus frappé est que cette information était destinée à un enfant. La maman de la petite est une amie très proche, une femme que j’admire, respecte et aime énormément. C’est une des personnes les plus ouverte que je connaisse et pourtant inconsciemment elle a véhiculé à cet instant T un préjugé.

J’ai un fils, c’est la plus belle personne que je connaisse en tout objectivité. L’éduquer pour qu’il devienne un bel homme noir solide, fier, fiable et rempli de bonté me donne des sueurs froides tant le chemin me semble ardu. Alors quand je pense à la fille que suis susceptible d’avoir je frise l’apoplexie. Ma fille rencontrera des enfants blancs et non-blancs à l’école qui viendront avec leurs messages assimilés, la définition de la beauté que leurs parents et la société leur inculqueront… Oui je suis ce genre de personnes qui s’inquiète en avance de ce qui peut arriver, ce n’est pas logique mais c’est comme ça. En vérité pour avoir été une ado en France, je sais de quoi je parle.

J’ai peur que ma fille se sente rejetée parce qu’elle ne correspondra pas aux standards de beauté souvent caucasiens. De plus elle devra affronter l’invisibilisation de la femme noire à l’écran, dans les pubs et autre.

Plus le temps passe, plus je me rends compte que rien, absolument rien n’est anodin. Même les petites blagues ou les remarques qui font ricaner font mal. Elles sont d’autant plus délétères qu’elles ne sont pas suivies de compliments pour les contrebalancer. Le point positif est que j’ai conscience de devoir mettre en place un discours valorisant pour mes enfants pour leur éviter d’intérioriser les images négatives véhiculées sur nous. Aucun détail ne devra être laissé au hasard, tout devra être verbalisé. Je vais devoir travailler sur mes relations amicales, familiales afin qu’ils soient entourés de personnes positives qui les valorisent et les aime. Le plus difficile sera très certainement avec la famille tant certains comportements nuisibles sont profondément ancrés. Mais j’ai bon espoir, les amis sont là pour booster notre confiance en nous. Parfois ils manifestent des comportements qui nous poussent à réfléchir, à nous mettre à leur place tant nous les aimons. Je remercie le ciel pour ceux que j’ai.

 

Ally Kimia

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